Intimes résonances

Performance sonore


Intimes résonances

Performance sonore

La performance instrumentale Intimes Résonances se présente sous les traits d’un solo musical semblable à un cabinet de curiosités sonores peuplé d’étranges lutheries. Ces objets orphelins se sont agrégés au cours des années en une famille élargie dont le tout est devenu plus que la somme des parties. 


Si le geste du luthier est volontiers voué aux attentes musicales conditionnées par les conventions esthétiques et culturelles qui lui sont imposées, cette fratrie instrumentale se caractérise par la singularité des imperfections des matériaux de fabrication issues d'une première vie dans la nature. Longtemps stockée à l’atelier, la matière brute nourrit secrètement l’inconscient de l’artiste bien avant l’acte de création.


Une fois construit, l’instrument inventé n’a ni registre ni maître. Il oblige l’instrumentiste à l’acceptation du caractère et des pouvoirs de son nouvel ami pour laisser émerger son langage. La non volonté accueille les accidents de la matière comme autant de synchronicités. La fente du bambou porte en sa blessure à la fois sa signature sonore et sa fonction réparatrice. La pratique de l’écoute sincère trouve peu à peu sa place dans le quotidien du pratiquant devenant à son tour instrument support du chant intérieur et médium de guérison suscitant le dessaisissement. 


Ce moment musical est dédié simultanément à deux publics distincts : pendant que le premier assiste à la performance, un autre se dévoile au cours du jeu. Le premier observe les conventions habituelles du spectacle, le second n’est pas à proprement parlé "spectateur" puisqu'absent en "présentiel" comme en "distanciel". Alors de quelle présence s’agit-il ? 


La notion d’intentionnalité œuvre pendant la monstration. La pulsation de certaines musiques devient naturellement un vecteur de concentration, support de l’intentionnalité qui annihile la distance et le temps tel un arc musical touchant au cœur. Présence, compassion et non jugement nourrissent l’intention pure. À l’image de l’anamorphose, le temps matériel dévoile sa nature illusoire lors du jeu musical, laissant poindre l’unité de toute chose.

 

Mystère qui conduit l’humanité à composer des odes funèbres à ceux qui n’ont plus d’oreilles pour les écouter. Qui invite à joindre ses mains afin d’unifier l’esprit en prenant conscience de la présence à soi et du corps par le contact de ses doigts. 


Les instruments qui composent cette installation acoustique ont chacun une histoire. 

La flûte fendue en bambou doré (phyllostachys aurea holochrysa) : sa tige habitait la réserve de l’atelier depuis plus d’une vingtaine d’années. Surgissant un jour d’entre mes mains, elle prit l’aspect d’un shakuhachi (flûte japonaise), que j’adaptais finalement en flûte traversière. 

Le non-agir laissa la fente présente dès l’origine à l’une des extrémités de la tige tel un élément ornemental. Aujourd’hui j’y insère une mèche de cheveux, l’image ou le nom d’une personne à qui j’adresse compassion et bienveillance. Dès lors, cette flûte devient un support d’intention musicale énergétique, où temps, espace et distance sont un.


Si la dimension performative fait l’objet d’un contrat sonnant et trébuchant, a contrario ces "travaux de reliaisons" dépendent seulement de l’acceptation de ceux à qui ils sont destinés. Toute transaction financière entretenant la notion de séparation, la dualité viendrait en contradiction d’avec l’intention d’unité et d’amour précisément signe de désintéressement. 


Erik Nussbicker